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Au bon vieux temps de La Semaine de Suzette
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Au bon vieux temps de La Semaine de Suzette
27 février 2007

Corbeaux, Pies, Etourneaux et Ramiers

jpg_intell_corbeauLe Corbeau n'inspire certainement pas beaucoup d'intérêt. Sa robe noire, son air lugubre, ses instincts destructeurs, son penchant au vol lui ont toujours valu bien des injures. D'autre part, son hypocrisie ne lui a jamais attiré beaucoup d'amis. Tantôt il imite le chant du coq, miaule comme un chat, aboie comme un chien, ou reproduit le son de la crécelle pour effrayer les oiseaux qui pillent les champs de blé.

Il est susceptible d'entendre un peu de latin. Tel était celui du docteur J. Franklin, Jaco (c'était son nom); il porononçait distinctement le mot aqua; mais il préférait le vin à l'eau. Un jour, dit le docteur, ma ménagère posa un verre de vin rouge sur la table; en un instant, l'0iseau se le versa tranquillement dans l'estomac; je veux dire qu'il plongea son bec dans la précieuse liqueure t qu'il la huma goutte par goutte. Lorsque ma ménagère, craignant qu'il ne brisât le verre, le retira, l'oiseau lui vola à la figure dans un véritable accès de fureur. Si vous placez trois verres sur la table, l'un plein d'eau, l'autre de bière et le troisième de vin, il laisse les deux premiers et ne s'adresse qu'au verre de vin.On peut en conclure, dit le savant docteur, que les oiseaux ne sont pas tellement liés au régime diététique conseillé par la nature, qu'ils se montrent insensibles aux perfectionnements de la cuisine et aux trésors de la cave.

Batgowki a cité un fait qui prouve leur intelligence et leur discipline, et avec quelle sagacité ils jugent la nature du danger auquel nos armes les exposent. Un chêne touffu et très élevé, éloigné des habitations, servait la nuit d'asile à un grand nombre de corbeaux. On les voyait s'y retirer tous les soirs. On y va deux heures après le coucher du soleil, par une nuit assez claire, et on lâche sur l'arbre un coup de fusil chargé de gros plomb. Les corbeaux s'envolent, mais aucun d'eux ne fuit horizontalement; tous, au contraire, s'élèvent en ligne presque perpendiculaire, comme une gerbe d'artifice. Leur calcul unanime avait été que, le coup de fusil partant du pied de l'arbre et pouvant être suivi d'un second sur ceux qui auraint filé, l'intérêt commun était de se mettre en hauteur, hors de portée dans une direction où les branches pouvaient les garantir et intercepter la vue; et ils ne commencèrent à se disperser qu'à une très grande élévation et choisirent un autre domicile.

Dans le jour, lorsque la troupe s'abattait et se répandait dans les champs pour chercher sa subsistance, quatre ou six éclaireurs restaient toujours en l'air, volant doucement de côté et d'autre, observant ce qui se passait et chargés d'en donner avis. Les éclaireurs étaient relevés d'heure en heure.

La peur rend prudent, et le danger excite singulièrement les facultés intellectuelles. Les pies, les étourneaux, les ramiers, comme les corbeaux, savent parfaitement reconnaître si l'homme qui vient à eux n'est porteur que d'un bâton, ou s'il est armé d'un fusil. Dans le premier cas, ils se laissent approcher, dans le second, ils semblent très bien calculer la distance, et s'éloignent presque au moment où le chasseur va se servir de son arme.

Du reste, si les oiseaux de proie savent si bien éviter les coups de l'homme, c'est un fait également remarquable que la précision avec laquelle ils tuent leur victime d'un seul coup de bec. La mort violente entre dans l'économie du règne animal; mais tout en condamnant certains oiseaux à servir de victimes aux autres, la nature a voulu leur épargner, au moins en partie, les horreurs d'une soufrance prolongée.

Faire vite, c'est l'humanité du bourreau.

Tiré de L'Intelligence des Animaux, par Ernest Menault,
ill. e. Bayard, A. Mesnel, etc, Libraire Hachette & Cie, 1899

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