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Au bon vieux temps de La Semaine de Suzette
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Au bon vieux temps de La Semaine de Suzette
2 avril 2007

Prenez soin de vos jouets

... Pour d'autres Bêtes qui ne crient pas, pour ses Poupées, pour les vieux jouets

poup_e___chien__avant_Celles-là, Suzette, elles ne sont pas "en vrai". Elles ne crient pas, elles sont les bêtes-jouets en peluche, en carton ou en bois, des petits enfants. Tout inertes qu'elles soient, je dois avouer que je n'aime pas, en me plaçant à un certain point de vue, les voir maltraiter, malmener, bousculer vilainement. Ne secouez pas la tête en disant avec compassion: Cette pauvre tante Mad, elle exagère ! Ce n'est absolument pas des bêtes que j'ai pitié, en ce cas, c'est de vous, petite fille, qui n'avez pas le respect et la tendresse que méritent ces amis de vos heures de jeu.

Il y a quelques temps, je voyais des enfants qui s'amusaient et deux fillettes faisaient sauter en l'air, aussi haut que possible, un pauvre chien en peluche, aux bons yeux honnêtes. Comme elles n'arrivaient pas, petites maladroites, à le rattraper, le pauvre toutou, de toute cette hauteur, tombait durement sur les cailloux. Et voilà qu'une troisième petite fille accourut, les traita de méchantes et s'écria, mains jointes, pour implorer que l'on cessât ce vilain jeu: Vous allez lui faire mal !

Comme j'ai aimé cette petite fille-là, et que j'ai eu bonne opinion de son bon petit coeur ! Car le même sentiment, ma chère Suzette, qui vous fait donner un nom au chien, au chat ou à l'ours en peluche et vous le fait traiter comme s'il était "un animal pour de vrai", ce même sentiment ne devrait-il pas subsister au moment où vous allez traiter ce compagnon de jeu comme une loque informe ?

Pour les poupées
J'ai vu, l'autre jour, dans la rue, un spectacle qui m'a bien attristée, ma chère petite Suzette. Il faut que je vous fasse partager mon indignation. Figurez-vous, sur le seuil d'une porte, une petite voiture d'enfant, et dans cette voiture, une pauvre petite, à moitié nue. Oui, à moitié nue, car elle avait un lambeau qui lui servait de jupe, et c'était tout !

Je pense, Suzette, que, comme moi, vous êtes absolument indignée qu'une maman puisse prendre aussi peu soin de sa fille. D'ailleurs, cette pauvre petite, mal peignée, mal lavée, avait l'air mal résignée. Ses grands yeux bleus, tout ronds, fixaient le ciel d'un air hébété: son sourire était tout pareil à celui qu'elle aurait eu si elle avait été vêtue d'une jolie robe; mais je vous assure qu'elle était humiliée.

poup_e___chien__apr_s_Je sais bien que ce n'était, après tout, qu'une poupée, mais une poupée est-elle donc insensible ? Et ne pensez-vous pas, vous toutes, mes lectrices, qui possédez des Bleuettes, que les poupées ont, elles aussi, leur petit coeur qui souffre, qui aime et qui comprend ?

Je n'aurais jamais voulu, quand j'avais votre âge, croire le contraire, et j'avais, avec quelques petites amies, fondé une ligue: la ligue des vraies mamans des poupées. Nous considérions absolument nos "filles" comme de vraies enfants, et l'on ne devait jamais, sous aucun prétexte, les laisser comme on en voit si souvent, les jambes sur un fauteuil, la tête traînant à terre, ou bien gisant sous un meuble; on ne devait pas, non plus, les attraper par les cheveux ou par un pied.

Quant à oublier dans le jardin, sans souci de l'humidité de la nuit ou des orages, ou encore simplement de la peur que la pauvre poupée aurait pu en éprouver, il ne fallait même pas en parler. Quelle mère était assez dénaturée pour cela ? Il fallait aussi, puisqu'elles étaient nos vraies enfants, les traiter comme nos mamans nous traitaient, avec des heures pour se lever, pour se coucher.

Il y avait seulement cette différence que nous étions beaucoup moins sages que nos filles !

Parfois, pourtant, on se donnait le plaisir de gronder - chacun à son tour, n'est-ce pas ? - mais ce n'était jamais très grave et je crois bien que nous avions après cela le sentiment d'avoir commis une grande injustice.

Je pensais à tout cela, en regardant cette pauvre poupée maltraitée. Et je veux vous dire, Suzette: Aimez vos poupées, aimez-les bien, sans souci des taquineries de vos frères. Ce n'est pas, j'en suis sûre, de la tendresse perdue. Apprendre à devenir de bonnes et douces petites mamans, ce ne sera pas déjà si mal ...

Et puis, moi - ne le dites pas à vos frères, surtout ! - moi, je veux croire au coeur des poupées.

[......]

Tiré de Suzette et le Bon Ton, Chapitre I: Ce que Suzette doit être (p. 33-38)
de Mad H.-Giraud (*), ill. A.-E. Marty, éd. Gautier-Languereau, 1933

(*) Il s'agit bien de la Tante Mad de La Semaine de Suzette

Photos: poupée SFBJ 60 Paris 10/0, 27 cm (la cousine de Bleuette);
petit chien; lit Strombecker USA (coll. personnelle)

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